L’histoire des crypto-actifs dans la politique américaine remonte à 2011, lorsque l’ancien vice-président Al Gore qualifiait déjà le Bitcoin d’avancée technologique majeure, appréciant particulièrement son système de gestion décentralisé.
Cette vision positive fut cependant longtemps l’exception. Pendant des années, le discours politique dominant associait principalement le Bitcoin au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme, appelant ouvertement à son extinction.
Joe Biden illustrait parfaitement cette position en 2018, déclarant que les crypto-actifs attiraient particulièrement les trafiquants de drogue et les organisations terroristes cherchant à contourner les sanctions internationales.
Hillary Clinton joignait sa voix à ces critiques, plaidant pour une action concertée contre ce qu’elle percevait comme une menace pour l’économie américaine.
Le camp républicain n’était pas en reste : Donald Trump lui-même, alors président, affirmait en 2019 que le Bitcoin n’avait aucune substance réelle, le qualifiant de monnaie virtuelle basée sur “du vent”.
L’émergence d’un enjeu électoral majeur
Avec la maturation du marché, l’opinion publique a évolué. Une étude DCG récente révèle que 20% des électeurs dans les États-clés considèrent désormais la position des candidats sur les crypto-actifs comme un critère déterminant de leur vote.
Malgré l’adoption de plusieurs lois structurantes – le Uniform Regulation of Virtual Currency Businesses Act (2017), l’Anti-Money Laundering and Combating the Financing of Terrorism Regulations (2019), et le Cryptocurrency Tax Fairness Act (2020) – de nombreuses entreprises du secteur dénoncent toujours un environnement juridique flou et risqué.
Les multiples actions en justice intentées par la SEC témoignent de cette ambiguïté réglementaire persistante. La Blockchain Association a d’ailleurs révélé que l’industrie crypto américaine a dû débourser plus de 400 millions de dollars pour sa défense juridique face à la SEC.
Un clivage partisan de plus en plus marqué
Dans la perspective de l’élection présidentielle 2024, les démocrates ont maintenu leur position critique. En mai 2022, Joe Biden réitérait la nécessité de protéger les consommateurs et les investisseurs des risques liés aux crypto-actifs. Une rumeur d’août 2024 suggérait même que Kamala Harris envisageait Gary Gensler, l’actuel président de la SEC, comme futur Secrétaire au Trésor.
Elizabeth Warren s’est particulièrement distinguée dans cette opposition, menant une véritable croisade anti-crypto. En 2022, elle mettait en garde contre les risques de ruine financière pour les épargnants, appelant à une régulation draconienne.
Le camp républicain, en revanche, a opéré un revirement spectaculaire. Ted Cruz, ancien candidat à la présidentielle, vantait en 2022 l’énorme potentiel d’innovation et de croissance du secteur.
Donald Trump lui-même a effectué un virage à 180 degrés pendant sa campagne. Le 1er juin 2024, il s’engageait à faire des États-Unis le leader mondial des crypto-actifs et à protéger les droits des 50 millions d’Américains détenteurs de cryptomonnaies. Il a concrétisé cet engagement en lançant sa propre collection de NFTs et un projet de finance décentralisée, le World Liberty Financial, bien que ce dernier n’ait pas rencontré le succès escompté.
L’industrie crypto s’invite dans le jeu politique
Les acteurs du secteur ne sont pas en reste. Sam Bankman-Fried, avant son incarcération, avait financé la campagne d’un tiers des sénateurs démocrates en 2020, tout en prônant une régulation stricte du marché.
Aujourd’hui, le PAC Fairshake, financé par les leaders du secteur, s’impose comme un acteur majeur du lobbying pro-crypto. Parallèlement, l’initiative “Stand with Crypto” de Coinbase a déjà réuni deux millions de dollars pour soutenir les candidats favorables à l’industrie.
Impact immédiat et perspectives
L’élection de Trump le 5 novembre a eu un effet immédiat sur le marché, propulsant le Bitcoin à un niveau historique de 75 000 dollars (consultez le cours Bitcoin en direct). Cette réaction témoigne de la confiance des investisseurs dans la position pro-crypto du nouveau président.
Les crypto-actifs sont ainsi devenus un marqueur politique majeur aux États-Unis : les démocrates privilégiant une approche prudente et régulatrice, tandis que les républicains, Trump en tête, embrassent leur développement au nom de l’innovation et de la croissance économique.
Reste à voir comment cette rhétorique de campagne se traduira en actes concrets sous la nouvelle administration Trump, et quelles en seront les implications pour l’ensemble du marché crypto mondial.